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Janvier 2006
Conférence Européenne
L'Euro - sept ans après

Novembre 2005
Les scénarios de l'Europe après le rejet du Traité constitutionnel: Quel élargissement ? Quel approfondissement ?

Juin 2005
Table ronde: “Le referendum sur la Constitution europeenne, France, 29 mai, des explications et des consequences”
suite...

Mai 2005
Colloque: "De la signature du Traite à une intégration réussie dans l’Europe Unie"
suite...

Avril 2005
Conférence à Cluj - "L’Intégration européenne, compte à rebours pour la Roumanie"

Mars 2005
Conference « L’avenir de l’Europe. Quelle Roumanie dans quelle Europe ?»
suite...

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« L'euro, 7 ans après»

Conférence d'Yves-Thibault de Silguy,
Délégué Général de Suez

Fondation Ithaka
en lien avec l'Ambassade de France en Roumanie
et la Banque Nationale Roumaine
Seul le texte prononcé fait foi

Bucarest, Roumanie
le 12 janvier 2006

Introduction

  • Remerciements;
  • Au delà des souverainetés et malgré les crises économiques et monétaires des trente dernières années, l'euro a vu le jour le 1er janvier 1999. Deux dates sont importantes pour la construction européenne : 25 mars 19757 (traité de Rome) et le 1er janvier 1999 (euro);
  • L'euro est le fruit de la volonté politique des États. Il constitue un événement historique et une étape majeure dans la construction européenne. La monnaie des Européens pour les Européens;
  • Son avènement couronne plus de quarante ans d'efforts d'intégration européenne, illustrant la méthode Schuman : "l'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d'abord des solidarités de fait… L'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne… L'établissement de cette unité puissante de production ouverte à tous les pays qui voudront y participer…jettera les fondements réels de leur unification."

La naissance de l’union économique et monétaire est à l’image de la construction européenne : construite par étapes, portée par la France et l'Allemagne, ouverte aux pays de l’Union européenne ainsi qu’aux pays candidats, elle marque le succès d’un projet de dimension économique, d'un projet concret, vecteur d’identité européenne.

Sept ans après le lancement de l'euro et quatre ans après la mise en circulation des pièces et des billets, il peut être utile de dresser un état des lieux.

Annonce du plan :

  1. Un bilan encourageant;
  2. Un acquis européen à consolider;
 

I Un bilan encourageant

  • le spectre d'une grave récession économique - corollaire de la mise en oeuvre de politiques budgétaires rigoureuses;
  • une vague de spéculation sans précédent lors de la fixation définitive et irrévocable des parités - aboutissant à l'échec du processus d'union monétaire;
  • un cataclysme informatique généralisé - bloquant toute l'introduction technique de l'euro le 1er janvier 1999;
  • un rejet massif de la population;

1. L'euro : facteur de stabilité.

L'euro, qui repose sur l'engagement de mener des politiques macroéconomiques assainies, a contribué à la naissance d'une nouvelle culture de stabilité en Europe. Les premières années de l'euro ont montré le rôle de " bouclier protecteur " joué par l'UEM :

  • l'euro s'est révélé un rempart contre les risques de crise financière internationale et les conséquences dommageables d'événements externes à l'UE. Il suffit, pour s'en convaincre de se souvenir combien l'euro a protégé l'Europe contre les crises asiatique, russe, et plus récemment argentine, afghane ou irakienne. Ni de tels aléas internationaux, ni ceux du contexte politique intérieur de l'Europe (changements de gouvernements, démissions de Ministres) n'ont entraîné de dérèglement monétaire. Sans l'euro, des événements tels que la guerre en Afghanistan ou en Irak, voire la situation en Amérique latine n'auraient pas été sans occasionner des mouvements très volatils sur les taux de change de monnaies européennes avec des répercussions sur les taux d'intérêts donc sur la croissance et le chômage. Pour imaginer ce que serait aujourd'hui la situation de l'Europe sans l'euro, il faut se souvenir des années 1992-1995, après la guerre du Golfe et la chute du peso mexicain, qui connurent une dépréciation de la lire italienne de près de 40% par rapport au deutsche mark (cf la bronca contre les dévaluations compétitives). La répétition de tels dérèglements monétaires en Europe aurait signé l'acte de décès du marché unique;


  • l'euro a également protégé les pays européens contre les effets des variations du cours du dollar. En effet, puisque 60% du commerce européen s'effectue au sein de son aire, chaque Etat participant est, désormais, moins sensible aux fluctuations de l'euro par rapport au dollar que ne l'était sa monnaie nationale par rapport à la devise américaine, avant la naissance de l'euro. Par définition, l'arrivée de l'euro a supprimé toute instabilité monétaire entre les monnaies des pays participants. Il a donc sécurisé la plus grande partie de notre commerce. Aussi faut-il relativiser le débat sur la valeur externe de l'euro;


  • l'euro a enfin, apporté la stabilité des prix;

Les progrès accomplis en Europe sur la voie d'une meilleure maîtrise de l'inflation ont été impressionnants.

En moyenne communautaire, l'inflation s'élevait à 10,5% durant les années 1970, à 6,5% dans les années 1980. En 1995, un taux d'inflation de 3,1% était souvent considéré comme exceptionnellement faible ; il a chuté à 1,2% en 1999. Tel est le résultat du travail accompli pour respecter le critère de convergence lié au contrôle de l'inflation et permettre l'arrivée de l'euro.

La stabilité des prix est garantie par Banque centrale européenne (BCE), indépendante, à laquelle le traité assigne la mission essentielle d'assurer la stabilité des prix. Son objectif à moyen terme est de contenir à 2% le taux d'inflation dans l'ensemble de l'UE.

Toutefois, après avoir enregistré des taux très modérés de 1,2% et 2,1% en 1999 et 2000, la situation s'est quelque peu dégradée, essentiellement en raison de divers aléas tels que les hausses des prix de l'énergie et les majorations des impôts indirects et des prix administrés. Depuis 2001, elle oscille entre 2% et 2,5 % (taux maximal atteint en 2001). La hausse des prix est donc contenue. En 2005, l'inflation a atteint 2,3 % dans la zone euro, l'UE 15 et l'UE 25. Pour 2006, les prévisions tablent sur une inflation pour la zone euro et l'UE 25 de 2,2 % du PIB.

Il demeure toutefois que ces résultats restent en deçà des taux d'inflation que connaissaient de nombreux pays européens il y encore peu de temps. Aussi, comme nous avons tous la mémoire courte et avons " oublié " les ravages d'une forte inflation, notamment sur les catégories les plus défavorisées de la population : l'inflation est toujours un impôt sur le pauvre.

2. L'euro, facteur de compétitivité pour les entreprises

Un marché unique sans monnaie unique : c'est comme un moteur sans huile, ça grippe ! Les entreprises européennes ont longtemps appelé de leurs voeux l'arrivée de l'euro :

  • en tant qu'instrument de transactions commerciales, son avantage principal est de sortir le risque de change des comptes d'exploitation des entreprises, de soustraire largement leurs activités aux variations du dollar et, en permettant une comparaison aisée des prix, de contribuer à décloisonner le marché. Or un grand marché sans risque de change améliore nettement la situation des entreprises.

    L'euro leur a en effet permis de :
    • supprimer les coûts de conversion entre les monnaies européennes participantes - économie substantielle pour les entreprises européennes, estimée à 30 milliards d'euros par an, soit un demi point de PIB;
    • faire disparaître les coûts de couverture contre le risque de change (estimé, pour la France à 1% du chiffre d'affaires " export "). D'où, pour les entreprises, une augmentation importante de la rentabilité de leurs activités à l'exportation dans la zone euro;

  • autre corollaire de l'arrivée de l'euro pour les entreprises : la diminution des coûts afférents à la tenue de comptabilités multi-devises, longues et coûteuses à gérer. Ainsi, plus fortes sur leur marché domestique, qui s'étend désormais à une grande partie de l'Europe, les entreprises européennes sont plus compétitives et mieux à même d'affronter la compétition sur les marchés internationaux;

3. L'euro, vecteur d'identité européenne.

L'euro n'a pas provoqué de rejet massif par la population. Au contraire. Il a été d'abord bien accueilli en 1999. L'introduction concrète des pièces et des billets en 2002 - qui, de l'avis général, a été un très grand succès - loin de générer l'agacement ou la perplexité, a suscité l'enthousiasme … même s'il faudra à tous un certain temps pour ne plus faire la conversion. D'ailleurs, en 1997/1999, 40 % des Français comptaient en anciens francs !
Ce succès n'est certes pas le fruit du hasard :

  • l'euro tire sa force d'un engagement solennel souscrit et respecté par les Etats;


  • il est également le résultat d'un travail minutieux de préparation : les efforts considérables des Etats de remise en ordre de leurs finances publiques, la qualité des mesures techniques, une réglementation mise en place à l'avance, l'annonce anticipée des parités, constituent autant d'éléments qui, s'ils ne composaient certes pas le quotidien des citoyens, ont contribué pour eux à crédibiliser l'arrivée de l'euro;


  • la préparation s'est effectuée au prix d'un important effort d'information et de communication, adapté à un calendrier précis et transparent des étapes de préparation, mené par les Etats, les institutions européennes, les entreprises et la société civile. Par opposition, le nouveau Franc a été introduit sans réelle préparation en 1960 : la première année, 60 % des chèques ont été refusés ! Je ne sais pas comment se passe l'introduction du nouveau lei en Roumanie mais j'espère que c'est à l'image de l'arrivée de l'euro et pas à celle du nouveau franc !

Le défi logistique que représente la fabrication et la mise en circulation de cinquante milliards de pièces, treize milliards de billets ou encore l'adaptation de 6 millions de distributeurs automatiques dans tous les pays a relevé de l'exploit. Mais il n'est pas fortuit, il est le fruit d'une mobilisation générale et d'un travail intense, bien préparé et bien conduit. Toutes les mesures nécessaires ont été prises pour que l'arrivée de l'euro se déroule sans accroc ni rejet. Mais l'enthousiasme qu'il a créé dans beaucoup de pays a constitué une heureuse surprise.

Il a apporté la preuve éclatante du soutien des Européens à l'euro. Un sondage TNS Sofres d'octobre 2005 effectué en Allemagne, en Espagne, en France, en Grande-Bretagne et en Pologne pose une question sur le rapport spontané à l'Europe : " Lorsque vous pensez à l'Europe, quels sont parmi les mots suivants, ceux qui vous viennent le plus spontanément à l'esprit ? ". A 60 %, tous pays confondus, les personnes interrogées répondent que c'est l'euro. Pour les citoyens, l'arrivée de l'euro concrétise donc la construction européenne, comme jamais encore depuis son demi-siècle d'histoire et matérialise, dans leur vie quotidienne ou leurs voyages, leur appartenance commune à l'Union européenne. L'euro devient ainsi un élément de leur identité. Dès la mise en circulation des pièces et des billets en 2002, 300 millions de personnes, dans douze pays, partagent et utilisent la même monnaie. Avec l'élargissement , l'euro sera utilisé, un jour, par un demi milliard de personnes. Tout est-il parfait ? Non ! Que reste-t-il à faire pour recueillir tous les fruits de cette étape majeure de la construction européenne?

 

II Un acquis européen à consolider

1. Renforcer la gouvernance économique

Les efforts considérables déployés par les gouvernements des Etats membres pour réduire les déficits publics - indispensables au lancement de l'euro - ont incontestablement permis aux pays participants de disposer de finances publiques assainies et se donner les moyens de renouer avec la croissance.

Comparé au début des années 1990, le cadre qu'offre maintenant la zone euro pour la conduite des politiques macroéconomiques a été considérablement amélioré : les déficits publics s'élevaient à 6,3% du PIB en moyenne communautaire des quinze en 1993 et à 4,8% en 1995. Ils ont respecté le critère des 3% en 1997 même si la situation s'est dégradée depuis deux ans, j'y reviendrai.

Conséquences :

  • Les difficultés d'aujourd'hui ne doivent pas masquer les bonnes performances économiques depuis 1999. Au cours des deux premières années, le PIB de la zone euro s'est accru à un rythme supérieur à son potentiel, progressant de 3% par an en moyenne, sans donner naissance aux déséquilibres qui peuvent menacer la durabilité de la croissance ailleurs dans le monde. Si les taux de croissance que nous connaissons aujourd'hui se sont affaiblis, ils demeurent toutefois positifs, ce qui est en grande partie dû à l'arrivée de l'euro (protection du marché intérieur) Croissance du PIB pour 2005 (UE 15) : 1,4 % et 1,5 % pour UE 25 Prévision de croissance du PIB pour 2006 (UE 15) : 2 % 1 et 2,4 pour UE 25;


  • toutefois, l'arrêt du processus de consolidation budgétaire et l'aggravation des déficits publics, dans certains grands pays européens, notamment la France, est aujourd'hui une source de préoccupation.
    Exemple de la France : des années consécutives de déficit budgétaire : en 2004 : -3,6 %, 2005 : -3%, 2006 : prévision : -3,5 %), Les politiques néokeynésiennes ont montré leurs limites dans une économie globalisée. Il ne peut y avoir de croissance durable et créatrice d'emplois sans poursuite de la réduction des déficits publics vers une situation proche de l'équilibre en régime de croisière. L'assainissement des finances publiques est essentiel. Il libère l'épargne au sein de la zone euro;

En effet, réduire d'un point les déficits publics en Europe libère 60 milliards d'euros par an qui, au lieu de servir à leur financement, peuvent être plus utilement employés au profit de l'investissement et de la consommation, donc de la croissance.

Avec un déficit public de l'ordre de 3 % du PIB, l'Etat français dépense 20 % de plus qu'il ne gagne. Quelles sont les entreprises, quels sont les ménages qui peuvent survivre avec une telle gestion de leur budget ? La dette française est aujourd'hui de 30.000 € par habitant (dette de l'Etat et des administrations publiques).

Aujourd'hui, en France, le coût annuel de la dette publique (intérêts payés par l'Etat ) absorbe, en montant, les recettes de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (de l'ordre de € 46 milliards ). Le service de la dette publique consomme environ la moitié des recettes totales de l'Etat. La dette financière des administrations publiques françaises a dépassé € 1.100 milliards à fin 2005. Elle est passée d'un cinquième aux deux tiers de la production nationale de la France en 25 ans. La poursuite des tendances actuelles conduirait à des taux d'endettement public astronomiques : 13 % en 2020, 200 % en 2030, 300 % en 2040 et près de 400 % en 2050

Toutefois, après avoir enregistré des taux très modérés de 1,2% et 2,1% en 1999 et 2000, la situation s'est quelque peu dégradée, essentiellement en raison de divers aléas tels que les hausses des prix de l'énergie et les majorations des impôts indirects et des prix administrés. Depuis 2001, elle oscille entre 2% et 2,5 % (taux maximal atteint en 2001). La hausse des prix est donc contenue. En 2005, l'inflation a atteint 2,3 % dans la zone euro, l'UE 15 et l'UE 25. Pour 2006, les prévisions tablent sur une inflation pour la zone euro et l'UE 25 de 2,2 % du PIB.

- de plus, l'assainissement des finances publiques éclaircit l'horizon des investisseurs (anticipations positives de consommation et d'investissement); ils savent chacun que les déficits publics se payent tôt ou tard sous forme d'impôts supplémentaires;

- enfin, l'assainissement des finances publiques offre un terrain favorable à la mise en place de politiques actives pour l'emploi : comment, en effet, financer de telles politiques si le budget de l'Etat est lui-même déjà déficitaire ? Il permet une meilleure allocation des finances publiques.

Le renforcement de la gouvernance européenne suppose également d'utiliser la dynamique collective créée autour de l'euro pour mener les réformes structurelles nécessaires :

- pour lutter contre le chômage en Europe, il convient de remédier, de façon concertée, aux rigidités du marché du travail :

  • en rétablissant sa compétitivité par la baisse du niveau des charges sociales,
  • en favorisant la mobilité de la main d'oeuvre,
  • en sachant adapter les conditions du travail ;

- les courbes démographiques, l'intégration des pays candidats de l'Est, le maintien d'un haut niveau de protection sanitaire et sociale imposent de vigoureuses réformes du financement des retraites ;

- la transformation de nos économies industrielles en économies de services suppose, par ailleurs, de poursuivre la libéralisation - régulée (le marché ce n'est pas la loi de la jungle) - des services pour :

  • accroître la compétitivité de l'économie,
  • rémunérer l'épargne publique et privée,
  • favoriser le progrès technique et la croissance par l'investissement.

L'Europe doit, enfin, rattraper ses retards accumulés en matière de recherche et développement, en particulier dans les secteurs des biotechnologies et des technologies de l'information. Il ne faut pas demander à la politique monétaire de faire de la politique économique !

La gouvernance économique européenne, au sens institutionnel, doit être améliorée par :

- l'affirmation de l'Eurogroupe comme instance de gouvernance économique, avec:

  • un alignement de ses règles de fonctionnement sur celles des instances communautaires (cf pouvoir décisionnel, vote à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission …) ;
  • une priorité reconnue au respect du pacte de stabilité et de croissance et à la consolidation budgétaire ;
  • une extension des compétences de l'Eurogroupe à la coordination des politiques structurelles de compétence nationale, permettant de promouvoir la convergence dans les domaines économiques et sociaux ;
  • l'empêchement de tout dumping monétaire de la part des nouveaux États membres de l'Union européenne n'appartenant pas à la zone euro, en imposant leur adhésion au nouveau système monétaire européen.

Les enjeux monétaires de l'élargissement :

Malgré un impact économique relativement limité du nouvel élargissement (le PIB des 10 nouveaux États membres ne représente que 5 % de celui des 15), le quasi-doublement de nombre d'États membres et leur grande diversité nécessitent de porter attention à ses effets sur la poursuite de l'intégration économique de l'Union européenne.

Avec l'élargissement, le nombre de pays non participants à la zone euro passera de trois à treize. Même si les douze États membres de la zone euro représenteront 70 % du PIB de l'Union européenne, il est impératif de préserver et de renforcer -au nom du principe d'approfondissement- la dynamique de l'UEM, essentielle à la poursuite de l'intégration économique de l'Europe. De même, il est nécessaire d'élargir la zone euro dans le strict respect des critères prévus par le traité (maintien de la crédibilité de la monnaie et du pouvoir d'achat).

2. Affirmer la capacité de l'Europe à s'exprimer d'une seule voix

L'euro est d'ores et déjà devenu la deuxième monnaie du monde après son lancement. Il se développe dans quatre directions :

  • comme moyen de paiement dans le commerce international, en Europe, en Afrique, dans les pays aujourd'hui candidats à l'élargissement et dans la zone méditerranéenne (30 %) ;
  • comme instrument de diversification des portefeuilles d'actifs privés (50% en euro);
  • et comme monnaie de réserve pour les banques centrales (Chine) ;
  • 50 pays ont aujourd'hui un taux de change lié à l'euro.

Grâce à l'euro le système monétaire international se rééquilibre. Mais ce rééquilibrage ne signifie pas, ipso facto, plus de stabilité monétaire internationale.

Celle-ci nécessite une coopération macro-économique et monétaire, conduite de manière concertée au niveau mondial entre les principaux acteurs, au premier rang desquels figurent les Etats-Unis et l'Europe. L'euro a en effet introduit un changement fondamental. Avant l'euro, 50 % du commerce et 80 % des transactions financières étaient en dollar. " Le dollar est notre monnaie mais votre problème " (Connelly, 1970).

Les Etats-Unis faisaient financer le déficit de leur balance courante et l'épargne intérieure par l'étranger. Avec l'euro, cela change, la monnaie européenne a une place plus en phase avec la place de l'Europe dans les échanges commerciaux et financiers. Donc s'il n'existe pas de concertation internationale macroéconomique, les Etats-Unis finiront par subir les effets négatifs de leurs déficits (taux d'intérêt de long terme élevés, chômage en augmentation …).

Se pose de ce fait la question de la représentation économique et monétaire de la zone euro sur la scène internationale et de la capacité de l'Europe à s'exprimer d'une seule voix pour mieux faire valoir ses positions. Or, le dispositif actuel confine aujourd'hui plus au jeu de chaises musicales qu'à la défense efficace et concertée des intérêts des pays européens. Les risques de voir les européens se diviser face à leurs partenaires sont réels, les privant de l'efficacité que devrait leur offrir leur monnaie unique. Aussi, la situation estelle appelée à évoluer pour donner à la zone euro la possibilité de s'exprimer d'une seule voix dans les instances économiques et financières internationales, comme elle y est parvenue en matière commerciale. Proposition audacieuse : le rôle économique de l'Europe sur la scène internationale devrait donc être consolidé par une représentation économique et monétaire unifiée (un Monsieur " zone euro ", chef de délégation dans les G7 et institutions financières internationales).

3. Adapter les marchés financiers à l'euro

Depuis l'arrivée de l'euro, le rythme d'intégration des marchés financiers s'est accéléré. Les marchés sont plus homogènes, les intermédiaires et les bourses se regroupent, des techniques et des produits nouveaux apparaissent. Pour que les entreprises puissent choisir le mode de financement qui leur convient et que les épargnants aient accès à une gamme diversifiée de placements, il importe de hâter l'intégration des marchés financiers et de réaliser le marché unique là comme ailleurs :

  • maintenant un nouvel élan est nécessaire : les infrastructures de marché, l'architecture des paiements doivent désormais être conçues pour l'ensemble de la zone euro. Le cadre juridique des marchés, à l'évidence national, freine le développement des opérations transfrontalières. La création d'une classe particulière d'actifs européens, assortie de propriété communes et claires pourrait répondre à cette difficulté ;

  • enfin, il importe de tenir compte de l'évolution de la structure des marchés. Historiquement, le contrôle des activités de la banque, de l'assurance, des marchés financiers ont été confiés à des autorités distinctes. L'apparition des conglomérats financiers et la multiplication des opérations de fusions et d'acquisitions transfrontalières rendent aujourd'hui cette structure anachronique. Aussi, serait-il opportun de> mettre en place une autorité de régulation et de supervision unique pour l'Europe, avec un fonctionnement décentralisé au niveau des Etats.
 

Conclusion

Le bilan de ces premières sept années de l'euro se révèle incontestablement encourageant. Les avantages de la monnaie se sont déjà fait sentir. Il est toutefois indispensable de consolider cet acquis. Les incertitudes qui pèsent sur la situation politique et économique internationale appellent une intégration économique plus poussée de la zone euro. Le blocage institutionnel induit par le non français au référendum renforce cette conviction : relancer la construction européenne par l'économie. On pourrait le faire aussi par l'énergie mais c'est un autre sujet.

L'euro n'est pas une fin en soi. Il constitue une étape et un outil pour permettre à l'Europe de mieux affronter les défis liés à la mondialisation auxquels elle doit faire face.

«L'Europe, comme le soulignait Stendhal, ne manque pas de bonnes intentions, le problème est de développer l'énergie nécessaire pour faire remuer la massede nos habitudes ».

 
 
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